Des partenariats solides sont la clé pour lutter avec succès contre le flux financiers illicites

La coopération, l’échange, la transparence et l’information sont quelques-uns des concepts mis en avant par les orateurs et les participants à la 1ère Conférence Technique du NTO, un événement virtuel de trois jours sur le thème Nouer des partenariats plus solides pour lutter contre les flux financiers illicites liés à la fiscalité (IFFs) (voir figure 1). 

En un mot, quel est, selon vous, le plus grand défi à relever dans la lutte contre les IFFs?

Figure 1Figure 1 Perception par les participants des défis actuels en matière de lutte contre les flux financiers illicites (IFFs)

« De nombreux flux financiers illicites liés à la fiscalité ne peuvent être combattus efficacement que dans le cadre d’un effort commun », a souligné Márcio Ferreira Verdi, à la chef du Conseil du NTO et Secrétaire exécutif du Centre Interaméricain des Administrations Fiscales (CIAT), dans son discours d’ouverture. « Les administrations fiscales, les douanes, les unités de lutte contre la délinquance financière et les autres organismes concernés doivent coopérer au niveau national et international pour mener à bien cette entreprise. » 

Les administrations fiscales membres des neuf organisations fiscales régionales et internationales du NTO, les parties prenantes internationales et le milieu universitaire se sont réunis pour échanger des bonnes pratiques en matière de lutte contre la fraude fiscale, nouer de nouveaux partenariats et renforcer les partenariats existants entre les décideurs politiques, les administrateurs fiscaux et les autres participants, et apprendre les uns des autres. « Apprendre les uns des autres est très important, c’est le seul moyen de réduire l’écart entre nos pays », a déclaré M. Verdi. 

Les orateurs de haut niveau représentant le Fonds monétaire international (FMI), le Groupe de travail de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financière internationale (FACTI Panel) et le Ministère Fédéral Allemand de la Coopération Économique et du Développement (BMZ), qui ont suivi M. Verdi dans leur allocution d’ouverture, semblent être parvenus à une conclusion commune et cohérente : il est primordial de favoriser des efforts mondiaux collectifs dans la lutte contre les flux financiers illicites.  

« Les flux financiers illicites sapent nos efforts de mobilisation des recettes nationales. Pire encore, ils creusent les inégalités car les personnes fortunées et les entreprises se soustraient à leurs obligations envers la société », a déclaré Dr. Maria Flachsbarth, Secrétaire d’État parlementaire au BMZ, dans son discours d’ouverture. Elle a ainsi abordé un problème crucial: l’évasion fiscale, qui est devenue une préoccupation majeure dans la lutte contre l’infraction fiscale. La fraude et l’évasion fiscales doivent être combattues comme tout autre type de délit fiscal.  

La première journée était axée sur un aperçu des développements internationaux actuels et des défis existants. 

Le professeur Attiya Waris, Expert Indépendant des Nations unies sur la dette extérieure et les droits de l’homme, a expliqué dans son discours liminaire la nécessité absolue de divulguer les revenus générés au sein d’une économie, ce qui permet à l’argent de circuler dans son économie nationale et aux gouvernements de percevoir des impôts : « les flux financiers illicites ont réduit la capacité d’un gouvernement non seulement à faire circuler l’argent dans l’économie, mais aussi à augmenter ses propres recettes. [...] Le défi le plus important n’est pas seulement de veiller à localiser l’argent – c’est de s’assurer que l’argent est renvoyé dans son économie d’origine ». Les experts ont ensuite abordé des problèmes tels que la porosité des frontières nationales, la faiblesse des structures organisationnelles des administrations fiscales et le fait que les administrations fiscales et les services répressifs continuent de travailler en vase clos.  

« Les délinquances financières - en particulier les flux financiers illicites – s’internationalisent davantage » 

Les participants ont souligné l’importance du partage des expériences, des connaissances et des informations entre les services des impôts, les administrations et les autres administrations fiscales concernées. En outre, un large consensus s’est dégagé sur la nécessité d’une coopération et d’une collaboration locales, régionales et internationales : « Nous ne pouvons lutter efficacement contre les flux financiers illicites qu’à l’aide d’une coopération internationale appropriée [et] d’un échange d’informations efficace [...] », a ajouté un participant. Cela donne lieu à une approche pangouvernementale, qui comprend non seulement la collecte et le partage d’informations, mais surtout la capacité d’examiner, d’évaluer et d’interpréter des données composées (voir figure 2 : coin en haut à droite). De plus, les experts ont mis en exergue que le renforcement des capacités des juridictions et, notamment, des administrations fiscales était une mesure importante pour lutter contre les cadres fiscaux et les flux financiers illicites. 

Lors des sessions suivantes, les participants ont abordé le rôle du bénéficiaire effectif dans la lutte contre les infractions fiscales ainsi que les réponses efficaces des administrations fiscales aux activités illégales : 

En examinant la pratique de la mise en œuvre d’un registre Bénéficiaire Effectif (BE), les participants sont parvenus à la conclusion qu’un registre BE précis est nécessaire pour lutter efficacement contre les flux financiers illicites et pour garantir que chaque entité contribue au développement du pays de résidence de son propriétaire. Le principal problème identifié est toutefois la vérification des données relatives au BE dans ces registres. Il est nécessaire de prendre des mesures pour s’assurer de l’exactitude des données déclarées et de mettre en place un plan de sanctions au cas où le contraire serait révélé (par exemple, la restriction des activités commerciales). 

Figure 2Figure 2 Résumé graphique de la première journée sur les « Développements internationaux et défis existants » 

Pendant ce temps, un autre groupe d’experts discutait de la manière dont les administrations fiscales peuvent contribuer à la sécurité mondiale tout en favorisant la croissance durable des économies en luttant contre des fils conducteurs tels que le financement du terrorisme, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. « Les administrations fiscales ont un rôle essentiel à jouer dans le soutien aux services répressifs en signalant les cas de blanchiment d’argent et en fournissant des éléments de preuve pour des enquêtes plus approfondies », a expliqué Cleber Homem da Silva, Chef du Bureau de Recherche et d’Enquête à Rio de Janeiro de l’Administration Fiscale Brésilienne (RFB). L’expérience indonésienne en matière de mise en œuvre et de conduite de la criminalistique numérique, un outil d’investigation permettant d’identifier les actes délictueux dans le domaine de l’évasion fiscale, a été bien accueillie par le public. Les intervenants ont également évoqué d’autres outils d’investigation efficaces, l’importance de la volonté politique et la nécessité de « suivre les flux monétaires ».  

 « La coopération internationale est un continuum » 

Au cours de la deuxième journée, les intervenants ont débattu de la manière de façonner la coopération internationale et abordé les défis actuels présentés par le public, tels que le secret, les conflits d’intérêts, la communication et la confiance.  

Quel est le premier terme qui vous vient à l'esprit lorsque vous pensez aux défis auxquels nous sommes confrontés en matière de coopération internationale ?

Figure 3Figure 3 Perception par les participants des défis actuels dans le domaine de la coopération internationale 

L’un des principaux problèmes dans le domaine de la coopération internationale mis en évidence, est la mise en place d’une compréhension mutuelle du problème d’un pays particulier parmi toutes les parties prenantes concernées. En réponse à la question sur la façon de renforcer la collaboration interinstitutionnelle, les experts ont convenu qu’il est primordial d’aider les partenaires à établir une infrastructure et des cadres (juridiques) solides entre tous les partenaires et de fournir une assistance technique pour renforcer les capacités.  

« Le fait que l’argent soit la plupart du temps gagné dans une juridiction différente et transféré vers une autre juridiction signifie seulement qu’il doit y avoir une coopération pour que vous compreniez d’où provient l’argent, comment il est transféré et utilisé », a souligné le Directeur du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest, Muazu Umar, tandis que tous s’accordaient à dire que le partage des connaissances est également crucial pour renforcer la transparence et la confiance. 

Au cours de la première session de la deuxième journée, intitulée « Coopération internationale : coopération entre les administrations fiscales », les intervenants se sont concentrés sur les défis rencontrés par les agents fiscaux ainsi que sur les facteurs clefs des réussites dans le domaine de la coopération internationale entre les administrations fiscales. Il est apparu clairement qu’il existe de nombreux obstacles, allant des contraintes en matière d’échange d’informations au manque d’outils d’analyse. Le Groupe de travail international conjoint sur l’échange de renseignements et la collaboration (JITSIC) met à la disposition de ses membres une plateforme pour collaborer activement et partager des « renseignements réels » afin de s’attaquer aux risques auxquels les administrations fiscales sont confrontées au niveau opérationnel. 

Le reste de la journée a été consacré à la discussion sur l’utilisation d’outils numériques pour lutter contre l’infraction fiscale: 

 « La technologie est un catalyseur, une contrainte et une possibilité » 

En menant une campagne de numérisation à grande échelle, l’administration fiscale hondurienne a pu automatiser ses processus. De nouveaux services web ont ainsi été mis en place, permettant notamment aux citoyens de déposer plainte par voie électronique. Il en résulte une détection des fraudes fiscales à un stade précoce. « Les outils numériques sont essentiels pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Cependant, il faut une volonté politique forte, un renforcement des capacités et des ressources budgétaires à investir », a commenté un participant, soulignant le rôle actif du gouvernement dans la promotion de la mise en œuvre et de l’utilisation d’outils numériques. 

Figure 4

Figure 4 Résumé graphique de la deuxième journée sur les « Pratiques d’excellence de la coopération interinstitutionnelle en matière de lutte contre les flux financiers illicites » 

Le troisième et dernier jour, les participants ont été invités à examiner les enseignements tirés et à discuter des moyens de poursuivre la lutte contre la délinquance financière. Dans le groupe d’ouverture, les experts ont identifié les lacunes et les points critiques des cadres et instruments actuels pour cibler l’infraction fiscale. Tout en récapitulant les 10 Principes mondiaux de l’OCDE, Marcos Roca, Conseiller en fiscalité et en criminalité à l’OCDE, a reconnu la création de groupes de travail conjoints qui ont collaboré pour lutter contre les flux financiers illicites au niveau national.  

« La coopération interagence est cruciale », a déclaré Marcos Roca. En outre, elle accélère l’échange d'informations qui peuvent être utiles à des fins d’enquête pénale, comme le montre l’exemple de Jennifer Bonocore, Cheffe de la division de la coordination stratégique et du blanchiment d’argent / financement du terrorisme, Administration fédérale des recettes publiques, Argentine : en mettant en œuvre la Norme Commune de Déclaration (NCD), les juridictions sont tenues d’échanger des informations sur les comptes financiers avec d’autres juridictions au-delà des frontières nationales. De plus, l’Agence du Revenu du Canada (ARC) s’appuie sur des données précises pour enquêter et engager des poursuites à l’encontre des délits fiscaux : par conséquent, l’ARC a beaucoup investi dans la réalisation d’analyses de données, qui sont alimentées par des informations accessibles au public et de source ouverte, ainsi que par des informations échangées entre les partenaires du J5. Cependant, les experts ont imaginé des procédures longues concernant la rapidité de l’échange d’informations au niveau international : afin d’engager des poursuites avec succès contre la fraude fiscale, les experts ont souligné la nécessité d’un échange immédiat de données. 

successfully prosecute tax fraud, the panellists highlighted the need of an immediate exchange of data.

 « Une approche écosystémique globale est nécessaire pour remédier aux lacunes de la mosaïque actuelle de structures et les adapter à un risque sans cesse accru de flux financiers illicites auquel le monde entier est confronté » 

Au début de la deuxième session, Annet Oguttu, Professeure au Département de fiscalité de l’Université de Pretoria et membre du FACTI Panel, a souligné trois recommandations liées à la fiscalité qui ont été élaborées dans le rapport du FACTI Panel. Les 14 recommandations peuvent être utilisées comme points de référence pour réformer l’architecture mondiale afin de favoriser l’intégrité financière. La recommandation numéro trois plaide pour une plus grande transparence fiscale « en demandant à toutes les entités privées et multinationales de publier des informations comptables et financières pays par pays ». En outre, tous les contribuables, en particulier les multinationales, devraient s’acquitter de leur juste part d’impôts, y compris les taxes sur les services fournis par voie numérique. Enfin, les réglementations fiscales doivent être créées sur la base de principes équitables. 

Parallèlement, Miroslav Palansky, Spécialiste des données au Réseau pour la Justice Fiscale (Tax Justice Network – TJN), a présenté une perspective critique des initiatives fiscales internationales existantes et souligné la nécessité d’un organe intergouvernemental, tel que les Nations unies, qui s’efforce de parvenir à une réelle inclusion dans l’exécution des initiatives fiscales mondiales. En outre, il a souligné que le TJN cherche à coopérer avec les administrations fiscales individuelles (régionales). 

Lors de la séance de clôture, les experts ont discuté du rôle (futur) du NTO et des organisations fiscales dans la lutte contre les infractions fiscales et dans le renforcement de la coopération internationale. Tout au long de la discussion, une grande importance a été accordée au NTO, principalement parce qu’il fournit une plateforme pour la coopération régionale, nationale et mondiale. Selon Logan Wort, Secrétaire exécutif du Forum Africain d’Administration Fiscale (ATAF), le NTO a non seulement encouragé les efforts de création et de renforcement des capacités parmi ses organisations membres pour développer des administrations fiscales compétentes, mais il a également un rôle de premier plan à jouer pour faciliter l’échange d’informations et renforcer les capacités administratives et informatiques.  

« Place aux festivités - Partageons les connaissances acquises et les idées développées au cours de cette conférence au sein de nos organisations. Construisons et renforçons les partenariats nouveaux et existants pour lutter contre les flux financiers illicites [...] afin d’accroître les recettes pour financer le développement durable », a conclu Marcio F. Verdi à l’issue de la 1ère Conférence Technique du NTO. 

Figure 5

Figure 5 Résumé graphique de la troisième journée sur les « Enseignements tirés et la voie à suivre » 


À propos de la Conférence 

Du 19 au 21 octobre, le Network of Tax Organisations (NTO) a organisé sa 1ère Conférence Technique sur le thème « Nouer des partenariats plus solides pour lutter contre les flux financiers illicites liés à la fiscalité ». Pendant trois jours, la conférence a rassemblé 518 participants de 115 pays. Le NTO les a invités non seulement à échanger leurs expériences et les pratiques d’excellence actuelles en matière de lutte contre les infractions fiscales, mais aussi à identifier les possibilités de croissance et de coopération. Au total, 62 intervenants ont pris part à 12 sessions interactives.  

À propos du Network of Tax Organisations (NTO) 

Fondé en mai 2018 à Ottawa (Canada), le NTO rassemble neuf organisations membres qui représentent plus de 180 pays dans le monde. Afin de favoriser le développement des capacités et la collaboration interne entre ses membres, le NTO propose des activités d’apprentissage par les pairs et des opportunités d’échange d’informations et d’expériences. Le Secrétariat du NTO est facilité par l’International Tax Compact (ITC) et financé par le Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement

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